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Conférence publique: John Igué segmente l’économie mondiale et expose ses atouts et fragilités

« Dans une économie capitaliste, sans la liberté, rien de concret ne peut se faire »

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‘’L’économie mondiale et les défis de la coopération internationale dans les pays africains’’. C’est autour de ce thème que l’Institut des artisans de justice et de paix a convié le public au Chant d’oiseau de Cotonou, jeudi 18 avril 2024. Cette fois-ci l’orateur principal à cette rencontre de discussion, qui reste une tradition saisonnière, est le Professeur de Géographie, John Igué, ancien ministre de l’industrie, des petites et moyennes entreprises, Directeur scientifique du Laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale (Lares).

 

Le thème de la soirée de discussion ainsi libellé, le professeur John Igué a structuré son analyse autour de trois questions : l’analyse actuelle de l’économie mondiale, l’état de la coopération internationale et les défis du futur pour les Etats africains. Passant au scanner l’économie mondiale, il a fait savoir qu’elle est fortement corrélée par les incertitudes qui caractérisent actuellement le monde, à savoir le changement climatique avec à la clé le réchauffement et la montée des eaux ; les crises socio politiques aigues dont la guerre entre la Russie et l’Ukraine, la situation au Moyen-Orient, le djihadisme au Sahel, les rebellions au Soudan et en République démocratique du Congo puis les questions liées à la sécurité alimentaire mondiale.

« A partir de ces difficultés, nous avons abandonné la notion de la mondialisation pour rentrer dans l’ère du protectionnisme et de la concurrence économique. Cela a déteint sur ce que nous appelons le village planétaire. Il n’y a plus de village planétaire aujourd’hui, il y a des blocs d’intérêts antagonistes », a déclaré l’universitaire et ancien ministre. Parlant de blocs ou pôles d’intérêts, il a cité : le pôle asiatique sous le commandement de la Chine et du Japon ; le pôle russe avec ses satellites qui proviennent de l’héritage soviétique ; le pôle Europe de l’ouest construit autour de trois catégories de pays : les pays avancés, les pays intermédiaires et les pays émergents ; le pôle Amérique du Nord où règnent en maître absolu les Etats-Unis ; le pôle des pays émergents à travers les ‘’Brics’’, et la périphérie dominée par l’Afrique subsaharienne. Chacun de ces pôles ayant ses atouts et ses faiblesses.

Les Etats-Unis…

Selon l’orateur, les Etats-Unis, première puissance mondiale, a un Pib de 420 milliards de dollars US et détient la majeure partie de la richesse de la planète. Sur les principaux secteurs de l’économie comme l’agriculture, les mines, l’énergie, les industries, les échanges commerciaux, les Etats-Unis fait partie des deux premiers dans le monde. Ce qui a permis au pays de bâtir son économie et sa puissance, a-t-il dit, c’est qu’il est structuré autour d’une idéologie qui lui réussit : le capitalisme fondé sur l’accumulation matérialiste dont la base essentielle est la liberté des individus à agir et à innover. L’économie américaine fonctionne sur la base d’un idéalisme excessif illustré par le fait que c’est le pays qui a le taux de douanes le plus faible au monde aujourd’hui : 3,5%, indique ensuite le professeur John Igué. Et d’ajouter qu’en tant que première puissance mondiale les Etats-Unis est convoité sur trois points essentiels : la liberté, le savoir que donne ses universités, puis sur sa puissance militaire et technologique. Cependant il bémolise en expliquant que malgré cette puissance, les Etats-Unis rencontre actuellement de fragilités du fait de la concurrence d’avec la Chine qui est en passe de devenir la première puissance mondiale. Ce qui constitue un gros souci pour le pays de l’oncle Sam.

La Chine et son économie

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Selon John Igué, pendant que les Etats-Unis a un taux d’endettement extrêmement élevé, supérieur à 80 % de son Pib, « la Chine n’a pas de dette. Bien au contraire, c’est elle qui gère les bons de Trésor des Américains. Vis-à-vis de la Chine, la dette américaine s’élève à plus de plus de 200 milliards de dollars. Et sur les technologies de pointe, les chinois sont devenus tellement performants », a déclaré l’ancien ministre de l’Industrie et des Pme. La réussite chinoise, fait-il savoir, date de 1976 avec sa politique d’ouverture impliquant son adhésion à l’Omc. Cela provient également et essentiellement des conditions de la main d’œuvre, car « beaucoup d’entreprises en Chine ne paient pas de salaire à leurs employés. Elles internent les travailleurs, les habillent, s’occupent de leurs soins de santé et les nourrissent », renseigne le communicateur qui affirme que dans une telle condition de l’emploi ou de la main d’œuvre, la concurrence n’est pas possible avec l’Occident où le syndicalisme règne en maitre avec des gens qui sont préoccupés par le pouvoir d’achat des travailleurs. Cette compétitivité de l’économie chinoise repose aussi sur la souplesse des Chinois, leur organisation sociale, leur curiosité ainsi que leur facilité à imiter. A la différence de l’économie des Etats-Unis qui présente de fragilités, « les Chinois essaient d’éviter ces fragilités. Le seul bémol à l’économie chinoise aujourd’hui, c’est que ses grands marchés ont compris sa politique économique et ont commencé par faire de la rétention. La question qui se pose aujourd’hui à la Chine, c’est ce qu’elle deviendra si le protectionnisme économique devient la règle générale », interroge le Directeur du Lares.

Le pôle Russie

Onzième puissance mondiale avec un Pib de 4000 milliards de dollars par an, selon les chiffres avancés par le professeur John Igué, la Russie, avec la disparition de l’Union soviétique est confrontée à beaucoup de chocs qui l’ont ramenée en arrière par rapport à ce qu’elle était quand elle commandait l’Urss. « Au moment où elle commandait l’Urss, la Russie fonctionnait sur la base d’économie de pointe. Avec la disparition de l’Urss, la Russie s’est basée désormais sur ses ressources naturelles telles que le gaz, le pétrole, le bois, », a-t-il laissé entendre en soulignant que le pays a une grande performance économique dans le secteur de l’armement et de l’espace. « Mais en engageant la guerre avec l’Ukraine, elle s’est créée beaucoup de soucis parce que ses meilleurs clients, pour la vente de ses ressources naturelles, ont commencé par se retirer à cause de l’embargo, exceptés la Chine, l’Inde et la Turquie », nuance l’orateur, qui déclare ensuite que cet embargo a tout de même eu un effet positif sur les recettes de la Russie qui ont beaucoup augmenté : « Ce qui fait qu’elle continue de faire la guerre. Mais son talon d’Achille actuellement repose sur les conséquences de cette guerre parce qu’elle a engagé 500 000 soldats pour combattre l’Ukraine et cette guerre a provoqué la fuite de milliers de personnes de la Russie. Cette situation a eu un impact sur les capacités productives du pays. Pour contourner l’embargo, la Russie s’appuie sur ses anciens satellites notamment Azerbaïdjan, grande puissance pétrolière ». L’autre faiblesse de l’économie russe relevée, c’est la privatisation de la liberté. « Dans une économie capitaliste, sans la liberté, rien de concret ne peut se faire », martèle l’universitaire béninois.

La situation économique de Europe
Il ressort de l’exposé du professeur Igué que l’économie européenne, construite autour de l’Union européenne, rencontre aujourd’hui de très sérieuses difficultés, dues à l’inflation et à sa dépendance vis-à-vis de la Russie et de pays tiers. D’où l’Europe se présente comme un pays fragmenté, autour de trois pôles différents dont les pays avancés, constitués des vieux pays colonialistes comme la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Espagne…. « C’est dans cette zone de pays avancés qu’on constate quelques progrès économiques. Du coup, l’Allemagne en a profité pour devenir la troisième puissance du monde. Elle est suivie par la Grande Bretagne et la France », affirme John Igué. Après les pays avancés, il cite les pays intermédiaires constitués de la Grèce, de l’Italie, du Portugal, de l’Irlande. Des pays, qui essaient, souligne-t-il, de suivre la marche mais qui sont coincés par le taux élevé de l’inflation. Enfin, les pays périphériques qui ne sont rien d’autres que les anciens Etats de l’Union soviétique, qui se sont convertis au capitalisme, à savoir : la Croatie, la Lettonie, la Hongrie, etc. « Donc la situation en Europe sur le plan économique n’est pas du tout homogène aujourd’hui. Et ses pays souffrent pour leur avenir économique à cause de leur dépendance de l’extérieur en ce qui concerne les matières premières et les intrants industrielles et énergétiques », fait remarquer l’ancien ministre béninois de l’Industrie, John Igué. L’autre difficulté de l’Europe qu’’il a souligné, c’est le taux élevé de l’inflation (supérieur à 10%). « Cette inflation est liée à sa dépendance en matières premières. Donc cette inflation compromet totalement la situation de croissance qui est de 1,50% dans les pays avancés qui utilisent l’Euro et de 0,6% pour les pays hors Euro. (…). Et là où le bât blesse pour l’Europe, c’est sa politique migratoire qui est en contradiction flagrante avec le vieillissement de sa population. Les conditions de productivité sont menacées par ce vieillissement de la population », avertit le conférencier qui précise : « Je n’ai pas parlé du Japon parce que le Japon c’est un cas à part. En analysant sa situation, elle est identique à celle de l’Europe parce que le Japon est devenu une économie vieillissante. Bien qu’elle soit la quatrième puissance mondiale, le Japon connaît le taux de vieillissement démographique le plus élevé du monde. Au même moment, c’est le pays qui s’est entièrement fermé à l’émigration ».

Le cas de l’Afrique

Sur le continent africain, la situation n’est pas non plus homogène. Du point de vue croissance économique, classe le professeur John Igué, on distingue trois catégories de pays : ceux à croissance forte supérieure à 5%, ceux à croissance intermédiaires et les pays qui ne croissent plus. A cela s’ajoutent d’autres considérations liées au fonctionnement de ces pays. D’une part, les pays qui vivent des ressources du pétrole : le Nigeria, l’Angola, le Niger, le Gabon… ; ceux qui vivent des ressources naturelles : Burkina Faso, Mali, Niger…, et les pays qui n’ont rien, comme le Bénin par exemple, qui vivent des réformes fiscales extrêmement dures. « Sans ces réformes fiscales, ils ne peuvent pas bouger », a confié l’orateur qui, dans son diagnostic, a souligné la dépendance de l’économie africaine ; une économie fondée essentiellement sur l’industrie extractive avec des produits vendus à l’état brut. « La presque totalité des pays africains vivent également des rentes des matières premières, des rentes du commerce et des rentes de dettes. C’est pour cela que l’économie de ces pays est grandement affectée par la rareté des ressources financières dans le monde aujourd’hui. L’argent facile n’existe plus dans le monde », conclut John Igué. A cette rencontre de partage et d’échanges, organisée par l’IAJP-Co en partenariat avec Coris Bank international, l’orateur principal pour déboucher sur les enjeux actuels de la coopération internationale, a montré qu’elle est aussi victime de la situation économique mondiale. Et face au contexte qui se complique, le professeur John Igué a signifié qu’il faut une nouvelle forme de coopération internationale pour chacun des pôles économiques cités supra. Il a insisté sur le cas de l’Afrique qui est partagée entre les autres puissances.

 

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