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Dynamisation de l’écosystème entrepreneurial en Afrique: Africa’s Business Heroes est bien plus qu’un simple concours de startups »

Carine Vavasseur, directrice d’Ignite.E
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Au total, 50 finalistes seront annoncés en juillet 2024 pour, in fine, dix finalistes en septembre. Quant aux lauréats, ils seront connus lors de la grande finale en novembre. L’agenda dévoilé, les candidatures pour le compte de la sixième édition du plus grand concours entrepreneurial d’Afrique, Africa’s Business Heroes, sont ainsi ouvertes. Jusqu’au 19 mai 2024, les candidats des 54 pays du continent, tous secteurs d’activité, tous âges et tous genres confondus, sont encouragés à déposer leur candidature en anglais ou en français pour prendre part à cette initiative philanthropique dont l’objectif est de soutenir, inspirer et promouvoir la prochaine génération d’entrepreneurs africains de tous les secteurs d’activité. Une subvention de 1,5 million USD en jeu avec des avantages inestimables. Depuis 2019, près de 100 000 entrepreneurs ont déjà participé au concours ABH, et les lauréats de l’année dernière ont été choisis parmi 27 267 candidats issus des secteurs de l’agriculture, de l’éducation et de la formation, de l’énergie, des services financiers, des soins de santé, de la fabrication et du commerce de détail. C’est quoi concrètement Africa’s Business Heroes ? Quelle plus value apporte cette compétition aux entrepreneurs africains et en particulier aux jeunes entrepreneurs béninois ? Ce sont là entre autres questions que « Africa Dev News » a posées à Carine Vavasseur, directrice d’Ignite. E, anciennement directrice de la division Innovation et animation d’écosystèmes à la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (DER/FJ), organe du gouvernement sénégalais. Carine Vavasseur qui défend également la cause des femmes et promeut leur accès aux financements et postes de responsabilité, a profité de cette interview pour donner des astuces et clés de réussite aux jeunes entrepreneurs au Bénin.

 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours professionnel et ce qui vous a motivée à travailler dans le domaine de l’innovation et de l’entrepreneuriat en Afrique?

Carine Vavasseur : Mon parcours professionnel est marqué par une passion pour l’innovation et l’entrepreneuriat. Née au Sénégal, j’ai grandi et fait mes études en France mais avec la conviction que je reviendrai sur le continent où je voyais de nombreux terrains vierges et opportunités à construire. En 2012, Master en poche, je suis donc rentrée à la maison au Sénégal. J’y ai fait une reconversion professionnelle, troquant mon parcours en import-export international pour plonger dans le bain de l’entrepreneuriat, des technologies et de l’innovation.
Après avoir travaillé dans des contextes variés tels que l’incubateur CTIC Dakar et la startup edtech EDACY dont j’ai participé à la construction, j’ai été amenée à diriger la division Innovation et animation d’écosystèmes à la Délégation Générale à l’Entrepreneuriat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER/FJ), l’organe du gouvernement sénégalais dédié à l’entrepreneuriat.

C’est là que j’ai pu constater le potentiel énorme de l’entrepreneuriat pour stimuler le développement économique et social en Afrique. Cela m’a convaincu de la nécessité de mener des actions à l’échelle du continent, d’où ma prise de poste comme directrice d’Ignite.E, branche ecosystem building du groupe Haskè. Mon intérêt pour l’écosystème entrepreneurial a été renforcé par une conviction forte : l’innovation et la co-création sont des moteurs essentiels de la croissance économique et certains entrepreneurs ont la capacité de créer une valeur unique avec un impact de masse sur nos marchés où de nombreux challenges au bas et au milieu de la pyramide des besoins restent à adresser. Particulièrement sur notre continent, nous avons besoin d’entrepreneuriat à la fois à impact socio-économique et à fort potentiel du point de vue business et viabilité financière. J’ai donc choisi de me dédier à favoriser l’émergence de ce type d’entreprises avec une appétence particulière pour celles ayant la capacité de changer la donne à large échelle.

Au regard de votre parcours, que conseilleriez-vous aux jeunes entrepreneurs au Bénin, qui cherchent à développer leurs idées et à réussir dans un environnement concurrentiel ?*

Tout d’abord j’aimerai souligner que la notion de concurrence peut être abordée sous différents angles. J’aime à penser que le concurrent n’est pas de facto un ennemi, et qu’il peut même devenir un partenaire ou un client. L’un des plus grands entrepreneurs du Sénégal, Babacar Ngom fondateur de l’industrie Sedima, a pris ce parti. Vendant initialement des poussins, il a progressivement produit des aliments pour poussin à vendre à sa concurrence puis a mis en place la franchise sénégalaise de KFC pour aller de bout en bout de la chaîne de valeur sur l’élevage de poulets.

La concurrence peut aussi être un élément de boussole, en observant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans ses tentatives, on peut mieux affiner son propre modèle. Parfois aussi la concurrence est une opportunité de faire un exit et dans ce cas, de façon stratégique, on peut se positionner pour le rachat de son entreprise par cette concurrence. C’est parfois le cas sur le secteur de la mobilité par exemple, où des géants américains ou européens peinent à pénétrer les marchés africains et considèrent ce type de possibilités ou l’investissement dans des startups africaines leur permettant de mettre un pied sur ces marchés (exemple de l’investissement d’Uber dans Moove).

Pour les jeunes entrepreneurs au Bénin, je recommande modestement ces quelques principes clés pour naviguer avec succès dans un environnement concurrentiel :

– Comprenez votre marché et votre public cible : Avant de vous lancer, prenez le temps de bien comprendre les besoins et les préférences de votre marché cible. Faites des recherches approfondies pour identifier les lacunes existantes et les opportunités de croissance et comprenez qui est votre concurrence et comment elle peut jouer à votre avantage

– Innovez constamment : L’innovation est essentielle pour se démarquer dans un marché concurrentiel. Cherchez toujours des moyens de proposer des produits ou services uniques et différenciés, en restant à l’écoute des besoins changeants de vos clients.

– Créez un réseau solide : Le réseautage est crucial pour établir des partenariats, obtenir des conseils et ouvrir de nouvelles opportunités. Participez à des événements professionnels, rejoignez des associations pertinentes et connectez-vous avec d’autres entrepreneurs. Développez votre influence.

– Restez flexible et adaptable : Les marchés évoluent rapidement, il est donc essentiel d’être prêt à ajuster votre stratégie en fonction des changements et des défis rencontrés en cours de route. Soyez ouverts aux retours d’expérience et prêts à pivoter si nécessaire. C’est parfois dans cet exercice que certains concurrents échoueront ou au contraire réussiront mieux que vous.

– Investissez dans votre développement personnel et professionnel : Le succès en affaires dépend souvent de la capacité des entrepreneurs à se développer en tant que leaders. Cherchez des occasions de formation, de mentorat et de coaching pour renforcer vos compétences et votre confiance en vous ainsi que votre force collaborative.

– Gardez une perspective à long terme : La réussite entrepreneuriale est un marathon, pas un sprint. Soyez patients et persévérants face aux défis et aux revers. Continuez à vous fixer des objectifs ambitieux et à travailler avec détermination pour les atteindre.

En restant passionné par votre vision et en gardant à l’esprit ces quelques recommandations, vous augmenterez vos chances de succès dans l’environnement concurrentiel du Bénin et au-delà.

Parlons à présent de la compétition Africa’s Business Heroes. Si, comme vous le disiez tantôt, la collaboration et le réseautage sont d’une importance dans la construction d’un écosystème entrepreneurial solide, dites-nous comment vous y contribuez à travers l’initiative ABH et vos partenaires locaux et internationaux?

Effectivement, la collaboration et le réseautage sont au cœur de la construction d’un écosystème entrepreneurial solide. Africa’s Business Heroes (ABH), s’inscrit dans cet état d’esprit à travers son réseau de « partenaires écosystèmes » locaux et internationaux ainsi que sa plateforme panafricaine au bénéfice des entrepreneurs africains.

ABH est bien plus qu’un simple concours de startups. C’est avant tout une plateforme dynamique qui identifie, soutient et célèbre les entrepreneurs africains qui apportent des solutions innovantes aux défis de notre continent. Le partenariat d’ABH avec des acteurs locaux et à travers l’Afrique lui permet de repérer et de soutenir les talents émergents.

En collaborant avec des organisations et des institutions locales, ABH contribue à renforcer l’écosystème entrepreneurial en fournissant aux entrepreneurs un accès à des ressources précieuses telles que le mentorat, le financement et les opportunités de réseautage. En notre qualité de partenaire écosystème, nous organisons également des ateliers en ligne gratuits pour favoriser les échanges de connaissances, partager les parcours d’alumni du concours ainsi que des conseils pour booster sa candidature et ces sessions permettent aussi d’encourager la collaboration entre les entrepreneurs d’Afrique de l’Ouest Francophone (pour participer à ces sessions, suivez la page « ignite.e » sur linkedin où nous publions les appels à inscriptions).

Les partenariats internationaux d’ABH permettent d’offrir aux entrepreneurs africains des opportunités d’apprentissage et d’exposition à l’échelle mondiale. Nous travaillons avec des experts et des leaders d’opinion de renommée mondiale pour offrir aux finalistes et aux lauréats d’ABH une visibilité accrue, ainsi que des opportunités de réseautage et de croissance.

En résumé, à travers l’initiative Africa’s Business Heroes et nos partenariats locaux et internationaux, nous nous engageons à créer un écosystème entrepreneurial dynamique et collaboratif qui permettra aux entrepreneurs du Bénin et de toute l’Afrique de réaliser leur plein potentiel et de contribuer au développement économique et social de notre continent.

Vous avez dirigé la division Innovation à la DER/FJ du gouvernement sénégalais. Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez été confrontée dans ce rôle, et quelles leçons en avez-vous tirées pour soutenir les entrepreneurs en Afrique, notamment au Bénin ?

Les principaux défis que j’ai pu rencontrer et surtout ceux que les entrepreneurs accompagnés rencontraient étaient en lien avec :
– La fragmentation des marchés africains et la difficulté du passage à l’échelle qui impose de réfléchir à des approches localisées la plupart du temps et de faire face à des défis règlementaires parfois
– La forte nature informelle de nos économies qui impactent le mécanisme d’imposition sur les sociétés (dissuasif bien souvent) ainsi que l’accès à la donnée et plus largement l’accès aux marchés (notamment pour les B2C qui font face à un faible pouvoir d’achat de leurs cibles et les B2B qui peuvent parfois peiner à avoir une masse critique de clients)
– L’accès aux financements, souvent lié au manque de préparation à la levée de fonds ou encore à un manque d’accès à l’information ou de prise d’information
– L’accès au marché et la nécessité de se mettre en réseau
– Le challenge de l’accès aux talents et notamment en lien avec le développement des compétences interpersonnelles
– Le challenge de l’innovation et plus largement de l’accès a du capital patient pour développer des approches R&D. Mais il existe d’autres formes d’innovations que l’innovation de rupture, très pertinentes et que l’on retrouve sur nos marchés comme l’innovation dans le business model ou encore sur le marché adressé ainsi que l’innovation incrémentale.

Nous avons fait une étude auprès des entrepreneurs du Sénégal et collaborons aussi avec un partenaire ayant fait une étude sur 5 marchés africains. Il en ressort que ce que les entrepreneurs valorisent le plus dans leur accompagnement est la mise en réseau, l’appui et le problem solving entre pairs ainsi que le mentorat. En cela, ABH établit une approche qualitative qui intègre chacun de ces piliers afin de répondre aux mieux aux défis rencontrés par nos entrepreneurs en leur proposant une valeur ajoutée en adéquation avec leurs besoins.

 

Africa’s Business Heroes est une initiative importante pour soutenir les entrepreneurs africains. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce concours et comment il contribue à promouvoir l’entrepreneuriat en Afrique francophone, y compris au Bénin ?

En ce qui concerne la promotion de l’entrepreneuriat en Afrique francophone, ABH joue un rôle crucial en offrant une plateforme inclusive et accessible à tous les entrepreneurs africains, quelle que soit leur langue ou leur région. Le concours encourage la participation des entrepreneurs francophones et assure une représentation diversifiée à travers tout le continent. D’ailleurs Ignite.E est un des partenaires d’ABH dont la mission focalise particulièrement sur l’attraction d’entrepreneurs en Afrique de l’Ouest francophone, région pour laquelle des actions particulières sont consenties par ABH.

Quant au Bénin, la participation au concours offre une occasion précieuse aux entrepreneurs béninois de se faire connaître à l’échelle internationale, de bénéficier d’un mentorat de haut niveau et de développer leur réseau. De plus, la visibilité offerte par le concours peut attirer l’attention des investisseurs et des partenaires potentiels, ce qui peut être crucial pour la croissance et le développement des startups béninoises.

Nous croyons au potentiel entrepreneurial du Bénin. Le concours reste ouvert à tous les entrepreneurs du continent, et j’encourage vivement les innovateurs béninois à saisir cette opportunité pour mettre en avant leurs idées et leurs projets.

Enfin, en tant que pionnière de l’innovation en Afrique, quels sont vos aspirations et projets à l’évolution du paysage entrepreneurial au Sénégal, au Bénin et au-delà ?

Je crois fortement que les structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat (SAE) et les initiatives d’accompagnement telles que ABH ont un rôle clé à jouer dans nos écosystèmes. En effet, la grande majorité des entrepreneurs que ce soit au Bénin ou aux 4 coins de l’Afrique, passent à un moment donné par ces dispositifs. La question qui se pose est comment s’assurer que ces entrepreneurs captent le maximum de valeur de ces accompagnements ?
Une récente étude faite par Sendemo sur 13 écosystèmes d’Afrique montrait que 70% des entrepreneurs interrogés disaient estimer que leur entreprise n’avait pas tiré de bénéfices de l’accompagnement reçu à travers les incubateurs, accélérateurs et autres SAE les ayant soutenu. C’est un problème de fonds qui peut être corrigé. À Ignite.E, nous croyons fortement à l’effet démultiplicateur que peuvent avoir les SAE dans leur écosystème si elles bénéficient d’un appui à l’efficacité opérationnel en améliorant leur « program delivery ». En ce sens, nous travaillons à la mise en synergies et en commun ainsi qu’à la capitalisation (à travers des ressources) des acquis d’expériences passées et en cours des SAE opérant en Afrique. Nous construisons une Ecosystem House pour que toute SAE accède à un appui précieux pour offrir un accompagnement qui catalyse les ressources disponibles pour délivrer un maximum de valeur auprès des entrepreneurs afin qu’ils puissent générer de la traction, pérenniser leurs entreprises et impacter massivement leurs écosystèmes.

Interview réalisée par Africa Dev News

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